LA CAVALERIE SOCIALISTE ET LE CAPITALISME (Le Monde): "ON AURAIT TORT D'ABANDONNER MARX SUR UN POINT: L'ECONOMIE DOMINE"
Le Monde, Opinions, de Eric Le Boucher
Karl Marx: ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain!
"[...] La morale a son importance, les libertés doivent être en avant, mais on aurait tort d'abandonner Marx sur un point : l'économie domine. Dans le monde d'aujourd'hui, comme il y a un siècle, les insatisfactions sont d'origine économique et sociale, les réponses doivent être apportées sur ces plans-là. A les déserter, à préférer la morale, on ne se drape que de belle vertu.
Les délocalisations ? Il ne suffit pas de dire qu'elles sont statistiquement mineures et nationalement compensées par la création d'emplois de meilleure qualification. Il faut dire comment rendre réellement possible la mobilité géographique et professionnelle. C'est le problème immense de l'école et de la formation, où le PS, appliquant tout son jeune courage, doit abandonner sa solution toute faite du "plus de profs".
Les inégalités ? Que faire quand la mondialisation pressure les salaires du bas et élève ceux d'en haut (footballeurs, chefs d'entreprise, financiers, savants...) ? Que faire pour faire revenir les élites et pour éviter le dangereux divorce qui s'installe entre elles et la nation ?
Les prix ? La mondialisation pressait les salaires, mais les prix aussi, et le travailleur s'y retrouvait comme consommateur. Mais aujourd'hui que lui dire si la Chine pousse l'inflation de l'essence comme du lait ? Comment argumenter que la mondialisation reste bonne face aux protectionnistes ?
Trouver des réponses à ces questions (et il y en a d'autres...) est un lourd travail pointu, complexe, ingrat, bref, propre à rebuter les cossards de socialistes. Mais il le faudra bien. Larry Summers le résume : "Les gouvernements doivent faire plus pour aider les perdants de la mondialisation et pour s'assurer que les progrès économiques sont partagés alors qu'en parallèle cette mondialisation remet en cause le principe de l'impôt progressif." Les Etats doivent faire beaucoup plus avec beaucoup moins. Au travail les réformistes !